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Des investisseurs inscrivent la crise climatique et les droits de la personne à l’ordre du jour de l’assemblée de Metro

Des investisseurs inscrivent la crise climatique et les droits de la personne à l’ordre du jour de l’assemblée de Metro

L’année 2023 commence en grand pour les investisseurs responsables canadiens. Le 24 janvier, à l’occasion de l’assemblée générale annuelle de Metro, les actionnaires seront invités à se prononcer sur deux propositions soumises par l’Association des actionnaires pour la recherche et l’éducation (SHARE), l’une portant sur la lutte contre le changement climatique, l’autre, sur les droits fondamentaux des travailleurs migrants. Les débats qui entoureront ces propositions, auxquelles s’oppose la direction de l’entreprise, ne manqueront assurément pas d’intérêt. Voilà un rendez-vous à ne pas manquer !

            Pour une réponse plus ambitieuse à la crise climatique

La première proposition, déposée au nom du Régime de retraite de l’Université de Montréal (RRUM), demande à la société d’adopter des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) à court et à long terme, incluant les émissions de niveau 3 de l’ensemble de sa chaîne de valeur, et d’effectuer des diminutions d’émissions appropriées avant 2030. Ces cibles doivent être fondées sur des données scientifiques et alignées sur l’objectif de l’Accord de Paris de limiter la hausse de la température moyenne mondiale à 1,5 degré Celsius, ce qui exige des émissions nettes nulles d’ici 2050 ou avant. De plus, elles doivent être rendues publiques, suivre les conseils de groupes consultatifs comme la Science-Based Targets initiative et être soutenues par un plan d’action climatique à l’échelle de l’entreprise décrivant les mesures qui seront prises pour atteindre la carboneutralité.

Le proposeur rappelle que, du propre aveu de Metro, les risques physiques liés au changement climatique « pourraient avoir un impact sur notre réseau d’approvisionnement, entraînant une augmentation des prix des aliments et de l’énergie, ainsi que des perturbations de la chaîne d’approvisionnement ». À cela, il faut ajouter d’importants risques d’exploitation, financiers, réglementaires et d’atteinte à la réputation. Or, les mesures prises par Metro pour répondre à l’urgence climatique apparaissent insuffisantes. Le proposeur note que bien que la société se soit fixé des objectifs pour ses émissions de niveaux 1 et 2 de 37 % d’ici 2035, elle ne s’est pas alignée sur l’objectif de 1,5 degré Celsius de l’Accord de Paris. De plus, ses engagements relatifs à ses émissions indirectes de niveau 3 demeurent modestes et ne couvrent pas l’ensemble de sa chaîne de valeur. Pourtant, ces émissions sont susceptibles de représenter sa plus grande contribution au changement climatique. Enfin, Metro traîne de l’arrière par rapport à sa concurrente Loblaw. Par exemple, contrairement à l’entreprise, Loblaw affiche l’ambition d’atteindre la carboneutralité d’ici 2040 pour ses émissions de niveaux 1 et 2, ainsi que d’ici 2050 pour ses émissions de niveau 3, incluant celles générées par ses fournisseurs.

Aide-mémoire sur les niveaux d’émissions de GES

Le Greenhouse Gas Protocol, lancé en 2001 par le World Business Council for Sustainable Development et le World Ressources Institute, a établi trois niveaux d’émissions de GES :

Émissions de niveau 1 : émissions directes provenant de sources détenues ou contrôlées par l’entreprise.

Émissions de niveau 2 : émissions indirectes générées par la consommation de l’énergie achetée (électricité, chauffage, refroidissement).

Émissions de niveau 3 : émissions indirectes non incluses dans le champ d’application 2, comme celles découlant de la chaîne d’approvisionnement, de l’utilisation finale des produits de la société ou encore celles liées au transport des salariés et des clients. Elles constituent la part la plus importante de l’empreinte carbone des entreprises, bien que cette proportion dépende de leur secteur d’activité.

            Pour une meilleure protection des travailleurs migrants

La seconde proposition, déposée au nom de la Fondation Atkinson, demande que Metro publie un rapport présentant les résultats d’une évaluation indépendante de l’impact sur les droits de la personne définissant et évaluant les répercussions réelles et éventuelles de ses activités et de sa chaîne d’approvisionnement au Canada sur les droits fondamentaux des travailleurs migrants.

Le proposeur rappelle que ces derniers « constituent l’épine dorsale du système alimentaire canadien », avec plus de 61 000 travailleurs migrants qui étaient à l’œuvre dans ce secteur en 2021. Pourtant, leurs conditions de travail et de vie s’avèrent souvent inacceptables, précaires et dangereuses. Au cours des deux dernières années, les médias ont d’ailleurs fait état de rapports dénonçant leur situation au Canada, qui a empiré durant la pandémie de COVID-19. Par exemple, l’Alliance des travailleurs migrants pour le changement a documenté toute une gamme de mauvais traitements dont sont victimes les travailleurs migrants, y compris du racisme, une surcharge de travail, le vol de salaires, des logements surpeuplés et inadéquats, le manque de nourriture, d’eau chaude, de repos et d’équipement de protection individuelle. Une étude universitaire a aussi montré que les logements précaires fournis à plusieurs d’entre eux peuvent être un facteur de décès. Quant à l’économiste Jim Stanford, il a déclaré à Equal Times qu’« Au Canada, les travailleurs migrants sont exposés à l’exploitation, à des conditions de travail et de vie effroyables et au risque d’être expulsés. Ces problématiques sont devenues particulièrement aiguës au cours de la pandémie de Covid-19. »

Le proposeur estime que malgré la gravité des violations alléguées des droits de la personne dans le secteur agricole canadien, Metro n’a pas de politiques et d’engagements suffisants pour atténuer les principaux risques auxquels les travailleurs migrants sont exposés. Il lui reproche entre autres de ne pas divulguer la manière dont son code de conduite pour les fournisseurs est appliqué ni l’efficacité de ses systèmes de contrôle.

Rappelons que pour limiter les risques financiers, juridiques, d’exploitation et d’atteinte à la réputation, voire de boycottage et de désinvestissement, qui peuvent découler de la découverte de graves violations des droits de la personne dans leur chaîne d’approvisionnement, les entreprises doivent non seulement avoir un code de conduite pour les fournisseurs crédible, complet et conforme aux normes internationalement reconnues, mais elles doivent également s’assurer de son respect en recourant à des vérificateurs indépendants qualifiés. Ajoutons qu’elles doivent mettre en place un processus de diligence raisonnable en vue de déceler, évaluer, prévenir et atténuer efficacement les impacts négatifs réels et potentiels sur les droits de la personne qu’elles peuvent avoir ou auxquels elles peuvent contribuer par le truchement de leurs activités ou de leur chaîne d’approvisionnement, comme le requièrent les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme des Nations Unies.

Sources : Thilelli Chouikrat, « Conditions de vie des travailleurs migrants : les autorités tardent à agir », Radio-Canada, 29 août 2022, réf. du 13 janvier 2023, Conditions de vie des travailleurs migrants : les autorités tardent à agir | Radio-Canada.ca ; Loblaw Companies Limited, Loblaw takes action on climate change with net-zero commitment, 23 mars 2022, réf. du 13 janvier 2023, Loblaw takes action on climate change with net-zero commitment ; Agence QMI, « Travailleurs étrangers secourus : impayés et vendus à d’autres agriculteurs », Le Journal de Montréal, 5 décembre 2021, réf. du 13 janvier 2023, Travailleurs étrangers secourus : impayés et vendus à d’autres agriculteurs | JDM (journaldemontreal.com) ; Carla Christina Ayala Alcayaga, Jorge Frozzini et Rosalinda Hidalgo, « Les droits bafoués des travailleurs agricoles étrangers », Le Devoir, 25 mai 2021, réf. du 13 janvier 2023, Les droits bafoués des travailleurs agricoles étrangers | Le Devoir ; Megan Kinch, « La situation des travailleurs agricoles migrants au Canada aggravée par la pandémie », Equal Times, 23 avril 2021, réf. du 13 janvier 2023, La situation des travailleurs agricoles migrants au Canada aggravée par le pandémie - Equal Times ; Nicolas Haddad, « COVID-19 : un rapport accablant sur la situation des travailleurs agricoles étrangers », Radio-Canada, 8 juin 2020, réf. du 13 janvier 2023, COVID-19 : un rapport accablant sur la situation des travailleurs agricoles étrangers | Coronavirus | Radio-Canada.ca ; Greenhouse Gas Protocol, A corporate Accounting and Reporting Standard, édition révisée, mars 2004, réf. du 16 janvier 2023, ghg-protocol-revised.pdf (ghgprotocol.org)