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Journée nationale de la vérité et de la réconciliation : écouter, puis agir

« Les survivants sont des “grands brûlés de l’âme.” »

 

Richard Kistabish, ancien pensionnaire à Saint-Marc-de-Figuery, lors d’une entrevue à Radio-Canada, 1er juin 2021

 

 

« … à partir de ce moment où j’ai pris conscience des violences perpétrées sur les enfants autochtones envoyés dans les pensionnats religieux, entre les années 1920 et 1990, tout s’est expliqué. Toute cette misère humaine dont j’étais la spectatrice et dont je devenais tranquillement la victime indirecte, ayant hérité de façon inconsciente des blessures infligées aux miens sur plus d’une génération.

 

Aussitôt, j’ai tout pardonné. Pardonné à mon grand-père alcoolique, à ma grand-mère alcoolique, à ma mère difficile, à mon père absent. Mes années d’adolescence où je ne comprenais pas pourquoi je m’étais enfermée en moi-même avec des chaînes imaginaires qui, avec le temps, étaient devenues inoxydables. Pourquoi tant de misère, pourquoi tant de douleur, pourquoi tant le besoin de crier, de pleurer, de se mettre en colère. Le besoin de blesser les autres. De se blesser entre nous.

 

Tout était là. »

 

Natasha Kanapé Fontaine, Kuei, je te salue : conversation sur le racisme, Les Éditions Écosociété, 2020

 

Demain, le Canada va commémorer la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Parce que la guérison passe par la libération de la parole et la reconnaissance de la vérité, parce que nous avons un devoir de mémoire, parce que la connaissance du passé peut permettre d’éviter de répéter ses erreurs tragiques, nous serons encore une fois invités à écouter les histoires et les témoignages de générations d’Autochtones qui portent, encore aujourd’hui, les séquelles des pensionnats pour les Autochtones.

 

La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation est aussi l’occasion idéale pour rappeler que les sociétés, et donc les investisseurs, ont un rôle à jouer dans la réconciliation. Dans son 92e appel à l’action, la Commission de vérité et réconciliation du Canada déclare ainsi :

 

 

« Nous demandons au secteur des entreprises du Canada d’adopter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en tant que cadre de réconciliation et d’appliquer les normes et les principes qui s’y rattachent dans le cadre des politiques organisationnelles et des principales activités opérationnelles touchant les peuples autochtones, leurs terres et leurs ressources ; les mesures demandées comprennent, mais sans s’y limiter, les suivantes :

 

  1. s’engager à tenir des consultations significatives, établir des relations respectueuses et obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones avant de lancer des projets de développement économique ;
  2. veiller à ce que les peuples autochtones aient un accès équitable aux emplois, à la formation et aux possibilités de formation dans le secteur des entreprises et à ce que les collectivités autochtones retirent des avantages à long terme des projets de développement économique ;
  3. donner aux cadres supérieurs et aux employés de l’information sur l’histoire des peuples autochtones, y compris en ce qui touche l’histoire et les séquelles des pensionnats, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les traités et les droits des autochtones, le droit autochtone et les relations entre l’État et les Autochtones. À cet égard, il faudra, plus particulièrement, offrir une formation axée sur les compétences pour ce qui est de l’aptitude interculturelle, du règlement de différends, des droits de la personne et de la lutte contre le racisme. »

 

Au cours de cette année, certains investisseurs et entreprises ont fait quelques pas sur le chemin de la réconciliation. Par exemple, le Syndicat des employés généraux de la Colombie-Britannique (BCGEU), avec l’appui de l’Union of British Columbia Indian Chiefs, a demandé à la Banque Royale du Canada (RBC) de réviser sa déclaration sur les droits de la personne afin d’indiquer que, dans le cadre des mesures visant à réduire les incidences négatives en matière de droits de la personne directement liées à ses relations d’affaires avec des clients (comme il est décrit dans les Principes directeurs des Nations Unies), elle s’informera à savoir si, et comment, les clients ont obtenu le consentement libre, préalable et éclairé (CLPÉ) des peuples autochtones touchés par ces relations d’affaires.

 

Lors de l’assemblée générale annuelle de RBC, plus de 26 % des actionnaires ont appuyé cette proposition. Ils lui ont ainsi clairement signifié qu’elle devait faire preuve de plus de vigilance pour s’assurer du respect de ces droits dans le cadre de ses activités de financement de projet, ce qui est d’ailleurs tout à son avantage. En effet, le respect des droits des Autochtones permet entre autres d’accroître la légitimité et l’acceptabilité sociale des projets, tout en réduisant les risques de conflit, de retard et de perturbation, voire d’annulation des projets, ainsi que d’atteinte à la réputation pour les promoteurs et leurs bailleurs de fonds.

 

Par ailleurs, des investisseurs représentés par la Shareholder Association for Research and Education (SHARE) ont exhorté de grandes banques canadiennes à réaliser une vérification indépendante sur l’équité raciale, en vue d’analyser leurs incidences négatives sur les parties prenantes non blanches et les communautés de couleur, y compris les communautés autochtones. Rappelons que selon une étude de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada sur les pratiques de vente au détail des grandes banques canadiennes, les clients qui ont déclaré appartenir à une minorité visible ou être autochtones étaient plus susceptibles de se faire recommander des produits inadéquats, de recevoir des informations moins claires et de se faire offrir des produits optionnels, comme une protection de découvert. De plus, une étude universitaire a montré que le fait d’être non bancarisé ou sous-bancarisé a un effet disproportionné sur les Autochtones et que l’accès aux services financiers est un problème endémique dans les « communautés de couleur à faible revenu ».

 

Les démarches des investisseurs ont été fructueuses, puisque la Banque CIBC et la Banque Nationale du Canada ont annoncé, le printemps dernier, qu’elles allaient mener une telle vérification et divulguer ses résultats. Elles suivent ainsi les traces de la Banque TD, qui a pris un engagement similaire en avril 2022. Quant à la Banque de Montréal et à RBC, les propositions à ce sujet qui leur ont été soumises ont obtenu des taux d’approbation élevés, respectivement de 37 % et de 44 %, ce qui témoigne de l’importance que revêt l’équité raciale aux yeux d’un grand nombre d’investisseurs.

 

Signalons enfin que le nombre de sociétés qui se sont engagées à établir des relations positives avec les entreprises et les communautés autochtones a encore augmenté cette année. Le Conseil canadien pour l’entreprise autochtone (CCCA) a annoncé, le 14 septembre 2023, que 24 entreprises ont obtenu une nouvelle certification en relations progressistes avec les Autochtones (RAP), comparativement à une douzaine en 2022. Parmi elles, nous retrouvons BMO Groupe financier, Cameco et Hydro One, qui ont obtenu la certification Or, tandis qu’Aecon Nucléaire, Ernst & Young, Fortis BC Énergie et WSP Canada ont reçu la certification Argent. Notons que plus de 200 entreprises participent au programme de certification PAR, qui confirme qu’elles agissent pour établir des relations de travail solides, ainsi que pour créer de la richesse pour les entreprises et les communautés autochtones.

 

Sources : Conseil canadien pour l’entreprise autochtone, Le CCEA annonce les entreprises certifiées RPA2023, 14 septembre 2023, réf. du 15 septembre 2023, Le CCEA annonce les entreprises certifiées RPA2023 - CCAB ; SHARE, BMO shareholders join RBC voters in support of Racial Equity Audits, 18 avril 2023, réf. du 15 septembre 2023, Shareholders at BMO ask for a third-party racial equity audit | SHARE ; SHARE, Shareholders call RBC and BMO to action on racial equity; CIBC and National Bank commit to third-party audits, 3 mars 2023, réf. du 15 septembre 2023, Shareholders call RBC and BMO to action on racial equity; CIBC and National Bank commit to third-party audits ; Commission de vérité et réconciliation du Canada, Appels à l’action, 2012, réf. du 15 septembre 2023, 4-Appels_a_l-Action_French.pdf (exactdn.com)