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Les actions pour promouvoir les solutions climatiques au Canada sont-elles adéquates ?

  • Introduction : Les normes mondiales de divulgation en développement durable ont évolué pour satisfaire les exigences des investisseurs.

En novembre 2021, l'ISSB a été créé par la Fondation internationale des normes d'information financière (IFRS) afin d'élaborer un cadre de référence international complet pour les normes de divulgation en matière de développement durable. À l'issue d'un vaste processus de consultation, les versions finales des normes de l'ISSB ont été publiées le 26 juin 2023. Les normes de l'ISSB requièrent que les entreprises divulguent des informations sur tous les risques et opportunités liés au développement durable susceptibles d'influencer les flux de trésorerie, l'accès au financement, ou le coût du capital à court, moyen et long terme. L'adoption des normes de l'ISSB est volontaire et il appartient aux différents régulateurs mondiaux de déterminer si leur juridiction les rendra obligatoires. Chaque État peut utiliser ces normes pour élaborer des exigences de divulgation adaptées à sa structure et son contexte économique.

Certaines juridictions ont déjà élaboré des réglementations basées sur ces normes afin de rendre ces meilleures pratiques obligatoires.

  • Avancées observées dans d'autres régions

Pour assurer une transition réussie, l'État a la responsabilité de fournir des incitations (la "carotte"), des orientations (des normes, comme les standards de l'ISSB) et une réglementation (le "bâton") de manière à ce que les entreprises adoptent des changements pertinents, efficaces et durables. Certains pays ont réussi à élaborer un plan intégrant une politique publique qui favorise la transition, des directives alignées sur les normes internationales, ainsi que la garantie de se conformer aux réglementations gouvernementales.

  • Aux États-Unis

Aux États-Unis, le gouvernement est parvenu à instaurer une politique publique favorable à la transition. La loi américaine sur la réduction de l'inflation (IRA) d'août 2022 est une mesure de réconciliation budgétaire qui englobe une vaste gamme de politiques aux États-Unis. Son objectif principal est de contenir l'inflation et de promouvoir l'investissement dans la production nationale d'énergie propre. Cette loi représente l'effort le plus significatif de l'histoire américaine pour lutter contre le changement climatique, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'environ 40 % d'ici 2030 par rapport à 2005.

Du point de vue de la réglementation, en mars 2022, la Commission des valeurs mobilières et des échanges (SEC) des États-Unis a présenté une nouvelle régulation visant à standardiser la divulgation d'informations sur le climat par les sociétés cotées en bourse. Cette règle proposée demande que ces entreprises fournissent annuellement des informations spécifiques concernant leur gestion des risques climatiques, leur gouvernance en matière de climat, et leur méthode d'identification, d'évaluation, de gestion, et de divulgation de ces risques. Cette proposition est largement considérée comme un changement majeur et urgent sur les marchés financiers américains. Cependant, la SEC continue de reporter l'élaboration de sa réglementation. Actuellement, l'agence envisage de finaliser sa proposition de mars 2022 à l'automne de cette année, mais aucune annonce finale n'a encore été faite.

En outre, en septembre 2023, l'assemblée de l'État de Californie a adopté un projet de loi majeur en matière de climat, le Senate Bill 253 (SB 253), qui modifiera la manière dont les entreprises opèrent et aura un impact considérable sur la crise climatique. Cette loi élargit les informations accessibles aux investisseurs et aux consommateurs concernant les actions et les préoccupations en matière de durabilité d'une entreprise. Le SB 253 pourrait changer de manière significative ce que les entreprises doivent inclure dans leurs rapports de développement durable. Désormais promulgué en loi, il s'agit de la première loi aux États-Unis qui exige que les entreprises rapportent leurs émissions de gaz à effet de serre sur les scopes 1, 2 et 3. Par ailleurs, une autre loi, le SB 261, impose aux entreprises de rendre compte de leurs risques climatiques.

  • Union Européenne

Au sein de l'Union européenne, les responsables ont également réussi à mettre en place une politique gouvernementale propice à la transition. Le plan industriel de la Commission pour le marché vert (Green Deal Industrial Plan), annoncé le 1er février 2023, a pour objectif de renforcer la compétitivité de l'industrie européenne visant la neutralité carbone et de faciliter la transition rapide vers la neutralité climatique. Ce plan cherche à promouvoir un environnement propice à l'accroissement de la capacité de production de l'UE dans le secteur "zéro émission" nécessaire pour atteindre les ambitieux objectifs climatiques de l'Europe.

D’un point de vue réglementaire, les normes européennes d'information sur le développement durable (ESRS) sont les nouvelles règles contraignantes auxquelles les entreprises relevant de la directive sur la publication de rapports de développement durable des entreprises (CSRD) doivent se conformer. La Commission européenne a introduit ces normes pour garantir que les rapports sur le développement durable des entreprises au sein de l'UE soient comparables, pertinents et fiables. Ces normes sont actuellement en cours d'élaboration par le Groupe consultatif pour l'information financière en Europe (EFRAG) et devraient devenir obligatoires à partir de 2024.

Tandis que de nombreux pays mettent en œuvre des mesures nécessaires et bénéfiques en matière de finance durable, certains pays rencontrent des obstacles qui freinent leurs efforts.

  • Le Canada accuse un retard de trois à cinq ans dans la mise en œuvre des politiques de financement du climat et ne dispose pas d'une supervision efficace dans ce domaine.

En octobre 2022, le Canada a révisé sa stratégie à long terme, examinant divers scénarios pour atteindre la neutralité carbone en 2050, mais sans préciser une trajectoire spécifique ni détailler les politiques et mesures requises pour y parvenir. Cependant, le Canada a mis en œuvre une politique publique visant à encourager la transition vers la neutralité climatique. Il a annoncé un plan d'investissement de 80 milliards de dollars dans son budget 2023 pour promouvoir les énergies propres et les infrastructures durables, en réponse à la loi américaine sur la réduction de l'inflation. Néanmoins, le Canada semble rester tributaire du pétrole et du gaz, et n'a pas réussi à instaurer des règlementations contraignantes en matière de divulgation climatique, notamment pour les institutions financières.

En février 2023, les Principes pour l'investissement responsable des Nations unies (UNPRI) ont désigné le Canada comme une "juridiction faiblement réglementée" en ce qui concerne les normes internationales, car la divulgation des pratiques de gestion et des rapports sur le développement durable demeure largement volontaire. L'absence de contrainte pour se conformer aux normes peut constituer un obstacle à la progression des efforts de lutte contre le changement climatique, en particulier dans le secteur financier.

Toutefois, il convient de noter des progrès encourageants en ce qui concerne l'établissement de normes au Canada. Bien que les entités canadiennes ne soient actuellement pas soumises à l'obligation de se conformer aux normes de l'ISSB, le Canada a bénéficié d'un large soutien pour élaborer et adopter des exigences en matière d'information sur le développement durable cohérentes et comparables. Dans le cadre des efforts visant à établir des normes au Canada, le Conseil canadien des normes de durabilité (CSSB) a été officiellement annoncé en juin 2022. Le CSSB travaille en collaboration avec l'ISSB pour encourager l'adoption de ses normes au Canada, identifier les questions cruciales pour le contexte canadien et faciliter l'interopérabilité entre les normes de l'ISSB et les futures normes du CSSB.

Une autre note optimiste se dessine avec la proposition de loi visant à contraindre les banques canadiennes et les autres institutions financières fédérales à se conformer aux engagements climatiques du Canada. Cette proposition est en cours d'examen par la commission bancaire du Sénat, plus d'un an après avoir été présentée par la sénatrice Rosa Galvez. L'objectif de la loi sur le financement de la lutte contre le changement climatique (Climate Aligned Finance Act - CAFA) va au-delà de la simple divulgation. Elle impose aux institutions financières de tous types d'orienter leur capital vers des initiatives climatiques. Cette loi fait de l'action climatique un élément essentiel des stratégies d'entreprise des institutions financières, plutôt qu'une considération secondaire. Si elle est adoptée, la CAFA pourrait propulser le Canada du statut de retardataire à celui de leader dans le domaine du financement de la lutte contre le changement climatique.

  • Conclusion : il est impératif d'intensifier les efforts pour que le Canada puisse suivre la cadence.

Étant donné que le climat constitue à la fois une opportunité majeure et un risque pour les entreprises, il est essentiel que les gouvernements mettent en œuvre des mesures appropriées et efficaces pour faciliter une transition réussie des entreprises. Outre la mise en place de politiques publiques propices à la transition, la proposition de la SEC sur le climat, la loi californienne SB 253, la CSRD, ainsi que d'autres réglementations et normes, incitent de plus en plus les entreprises à revoir leurs stratégies de lutte contre le changement climatique. Elles encouragent particulièrement les entreprises à rendre publiques leurs données climatiques, ce qui rend la divulgation d'informations sur le climat incontournable. Il est impératif que le Canada se mette au diapason et accélère le développement de sa réglementation en matière de climat pour éviter de subir un désavantage significatif.